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Rennes ma ville autrefois

Le palais du commerce incendié 1911

29 juillet 1911

LES DÉGÂTS SE CHIFFRENT 
PAR CENTAINES DE MILLE FRANCS 

On a du évacuer l’hôtel des Postes en toute hâte 
Toutes les communications sont interrompues

Le palais du commerce de Rennes est partiellement détruit 

 

Il était question, tout le monde le sait, de l'achever : Les travaux allaient s’achevés.

Les travaux allaient commencer et voici que par une singulière ironie du sort, ce bâtiment vient d'être incendié.

La ville a été plongée dans la plus profonde stupeur par cette catastrophe inattendue. Tout est donc à recommencer.

Et, en attendant que la construction nouvelle soit achevée, nous aurons à subir les multiples difficultés qui naissent de l’installation provisoire de l’hôtel des postes qui n’est point fait pour le recevoir. Voici, dans tout ces détails, comment s’est déroulé ce tragique événement.

 

6

 

Au feu au feu c'est la foudre! 

L'incendie éclata hier après-midi, vers ¼. Le temps était à l’orage et depuis quelques minutes des éclairs sillonnaient le ciel.

Les Rennais se dirent qu'un orage allait encore s’abattre sur la ville, semblable celui de la veille, mais celui-ci devait avoir des conséquences bien plus graves.

C'est en effet à ce moment que la foudre tomba sur le Palais du Commence. 
Plusieurs témoins la virent s’abattre  sur le toit d’où jaillit aussitôt une petite flamme. 

M. Colas, tapissier, rue de Rohan, vit une étincelle au-dessus du palais et remarqua l’endroit ou elle toucha la toiture.

M. Lacouloumère, sous préfet de Redon, qui était en ce moment, dans un café voisin fut témoin, lui aussi, de la chute de la foudre et vit jaillir les premières flammes.

Un jeune homme, M. Gaston Lahaye, qui était là, couru aussitôt prévenir le poste des pompiers et l’on entendit aussitôt, il était alors 1h.1/2, le lugubre appel de la sirène d’alarme.

C’était au moment ou les ouvriers et employés se rendaient au travail, l’on vit tout à coup la foule s’arrêter, puis courir … « ou est le feu ? ou est t-il ? C’est la question que chacun se pose, les mieux informés désignent vaguement le centre ville.

Cependant les renseignements se précisent, aucune indication n’est plus nécessaire, car voici qu’un immense panache de fumée monte au dessus des toits pour servir de point de ralliement.

Le feu est à l’hôtel des postes. La grande place de la République est déjà noire de monde et un service d’ordre hâtivement établi à peine a comprimer les rangs serrés des curieux, car il n’y a encore que des curieux dans les limites que réclame la prudence. Tout le monde contemple la sinistre chose. La partie Est de la toiture de l’hôtel est en feu et forme déjà un grand brassier qui progresse vers l’autre bout, poussé par un vent favorable.

 

1

 

Les fils tombent! Plus d'énergie électrique. 

Tout à coup dans la foule qui se presse en bordure de la place, un énorme mouvement de recul se produit, on entend les cris apeurés des femmes et des enfants qui sont au premier rang, les fils tombent et tout ceux qui sont à proximité crient.

Et en effet l’immense armature de fils télégraphiques et électriques qui met Rennes en communication avec le reste de la France commence à tomber.

Quelques fils brusquement déjà fondus  gisent déjà par terre constituant un nouveau danger dont chacun se gare bruyamment, les fils étant tombés sur les câbles des tramways électriques.

La circulation devient dangereuse dans les rues, aussi la compagnie des tramways fait-elle interrompre le courant, et les voitures se trouvent arrêtées.

Tout danger étant écarté, comme une marée qui remonte, le flot des curieux toujours plus dense envahit la place et le bord des quais. Une grande partie de la ville est là.

On braque les appareils.

Des hommes arrivent en courant, essoufflés et mettent leurs instruments en batterie, mais ces instruments ne sont pas des pompes à incendie car les hommes sont des photographes qui prennent hâtivement des clichés. Il y en aura forcément de fort beaux, car à ce moment l’incendie bat presque son plein.

Le feu a gagné, toute la couverture est déjà en feu, les ardoises tombes et l’on voit déjà les chevrons et les poutres qui flambent. La foule augmente toujours, les agents de service regardent si un renfort opportun ne vient point pour aider à assurer un service d’ordre presque possible, mais les compagnies qui sont dans divers régiments n’arrivent point encore. Les pompiers non plus d’ailleurs, ou plutôt si, ils arrivent mais ils ne peuvent 
intervenir utilement, les pompes fonctionnant mal. 

Les pompes… Un accident. 

Il y a enfin trois pompes à vapeur arrivées, celle de la brosserie Oberthur,celle de la Gare et enfin celle de la villes.

Elles s'installent trop lentement hélas ! – rue de la Chalotais, rue du Champ de Mars et rue de Nemours. Celle de la rue de Nemours cause un accident. 

Un cheval attelé sous une voiture de campagne prend peur en la voyant et se cabre. Un vieillard de 77 ans, M. Michel Dumas et sa bru, Mme Dumas, âgée de 22 ans, sont renversés.

Ils sont aussitôt transportés dams une pharmacie voisine où le médecin constate, pour les deux, une forte contusion.

Enfin les pompes sont en batterie, les lances se tendent vers l'immense brasier, mais en vain, la pression n'est point assez forte et l'eau retombe au pied des murailles. Et pourtant, il faut bien le dire, les pompiers se montrent d'une remarquable audace dans leur lutte contre le feu.

Les ardoises, les poutres volent autour d'eux sans les déconcerter mais ils sont desservis par des instruments qui ne sont pas au point.

 

2

 

Le feu augmente, Les secours.

Il est 2 heures et demie, l'incendie dure depuis une heure, et est maintenant dans toute sa puissance.

Il s'étend d'un bout à l'autre de la toiture du bâtiment, qui s'écroule par morceaux laissant voir les poutres enchevêtrées, au milieu des gerbes de  flammes, et de cet immense brasier jaillit, une colonne de fumée jaunâtre qui s'élève lentement dans le ciel et recouvre la ville.

Des flammes s'échappent par les fenêtres du troisième et l'on craint que le feu, qui ne cesse de faire des progrès, n'envahisse tout l'immeuble. Aussi, agents de police, soldats, employés des postes se mettent en devoir de déménager les locaux.

Les appareils du télégraphe son enlevés en toute hâte ; on sauve également le mobilier des appartements particuliers des chefs de service des postes qui habitent le palais du commerce.

De gros livres, des bibelots, des pianos sortent continuellement de l’hôtel en flammes, arrachés de la  destruction par les soldats.

Les personnalités présentes. 

Toutes les hautes personnalités militaires et civiles sont maintenant sur les lieux et assistant à ce spectacle grandiose et terrifiant à la fois.

M. Saint, préfet d'Ille-et-Vilaine M. le général Lyautey, commandant le 10e corps; M.Janvier, maire de Rennes M. le général Leblond, M. Lafond, directeur de école des Beaux-Arts ; M Laurent, adjoint au maire, M.Leray, Perchais, Deschamps, Leprince, conseillers municipaux ; Monnier, chef de cabinet de préfecture, les docteurs Baderot, Camusel, Briend, Patay, Daboval inspecteur des bâtiments départementaux, Le Ray, architecte de la ville. 

M. Houquier dirige le service d'ordre, assisté de M. Baverey, Antoine et Duwa, commissaires de police.

Le troisième étage anéanti.

A 3 heures de l'après-midi, le feu dévore le troisième étage, de longues flammes sortent des fenêtres et lèchent les couvertures désormais sans ardoise.

Là-haut, l'immense cage quadrangulaire qui supporte tous les fils télégraphiques et téléphoniques qui relient Rennes au reste de la France, s'incline lentement, sapée par les flammes, et finalement s'écroule dans le brasier même.

Les pompiers font tout ce qui dépend d'eux pour éteindre l'incendie et dirigent leurs lances sur le brasier et aussi sur les maisons de la rue de Nemours, qui ont tout à craindre d'un tel voisinage.

Les ouvriers qui se trouvent dans la partie Ouest du bâtiment se retirent, l'abandonnant à son sort.

Tout le troisième étage, qui constitue la partie mansardée, est désormais perdu, car la flamme a trouvé un facile aliment dans les salles qui servirent à l'école des Beaux-Arts.

Cependant, au rez-de-chaussée, on n'est pas inactif. Les employés des postes et les soldats travaillent toujours ; les archives et les instruments sont à peu près sauvés plus haut, à l’Ouest, les garçons du caté de la Paix déménagent.

Mais ce n'est pas sans courir un danger sérieux que tous ces braves gens travaillent au sauvetage du matériel. Les poutres enflammées tombent maintenant du haut du bâtiment avec fracas, et plusieurs fois les curieux ont poussé des cris d'angoisse en voyant des planches rouges, des tas de braise, du zinc fondu s'abattre à côté des imprudents sauveteurs.

3

 
Encore l'orage. 

Mais voici qu'un nouvel orage s'est formé et la pluie commence à tomber à flots, si forte que la foule curieuse s'écoule pour un moment, et pas assez pour que le feu s'éteigne. On craint maintenant pour le deuxième étage, dont les murailles sont léchées par les flammes.

La grande échelle.  

C'est à ce moment que les pompiers ont élevé la grande échelle, face à la partie est du bâtiment en feu et à 10 mètres environ. Deux sapeurs sont montés dessus et dirigent le jet d'eau sur le brasier.

A un moment donné un violent coup de vent fait osciller l'échelle à droite, l'assistance pousse un cri... On croit les deux hommes perdus, heureusement l'échelle se redresse et les deux pompiers ont le temps de descendre, Ils sont sains et saufs. Seul le sapeur Chalmel se plaint de souffrir aux doigts et le docteur Patay qui est là, en uniforme, reconnaît qu’il y a une légère lésion dans l'espace interdigital, Et la lutte continue contre l'incendie.

Echelle pompier                                                                                 

échelle

 

Il est 3 heures et demie, tout le matériel de valeur contenu dans l'Hôtel des Postes est à peu près sauvé, les sacs de dépêches s'amoncellent chez M. Chave, Armurier, rue de Nemours, ainsi que dans les cafés voisins. Mais à ce moment la couverture et un étage sont sacrifiés.

Un faux bruit. 

Parmi les curieux, si les bras sont oisifs les pompiers suffisent à la tache  les langues vont leur train ; les suppositions les plus invraisemblables se font jour. A un moment donné la nouvelle a couru que le feu était à l'Arsenal.

Le général Lyautey envoie immédiatement un planton à cheval et vérifier le fait et, de son côté, M. Rouquier, commissaire central, détacha un agent de police. Agent et planton reviennent bientôt et annoncent qu'il n’y a rien à l'Arsenal où les ouvriers travaillent comme d'ordinaire.

Il est maintenant quatre heures, le temps s'est rasséréner, quelques flammes viennent à l'entresol on s'attend à voir le deuxième étage flamber. Mais les pompiers commencent tout de même à gagner du terrain sur l'incendie. Les flammes diminuent, les poutres tombent l'une après l'autre dans la braise.

Les pompiers d'une fenêtre de la rue Nemours et de la rue du Pré-Botté noient les décombres. Les cheminées restent seules debout et pourront peut-être servir, lors de la reconstruction, si elles ne fléchissent pas en refroidissant.

C'est un désastre ! 

L'incendie diminue peu à peu. Les flammes sont beaucoup plus courtes, les curieux s éloignent. De quatre à sept heures les pompiers continuent à noyer les  décombres.

Des groupes plus ou moins officiels circulent place de la République et visitant le Palais du Commerce.

Au rez-de-chaussée, la grande salle d'ordinaire si animée par la foule qui assiégeait les guichets est triste et vide, l’eau tombe des plafonds, des réseaux de fils coupés pendent, partout.

Dans la salle des appareils le désordre est plus grand, on sent le bouleversement qui s'est produit dans la précipitation du déménagement. D'ailleurs seuls un ou deux appareils sont restés et déjà quelques employés recherchent s'ils ne pourront pas obtenir la communication avec quelque bureau de poste.

Au premier et surtout au deuxième étage c'est la désolation complète ; ils sont remplis d'eau et de ruines, tout est bouleversé.

On peut constater cependant, au deuxième étage, que les téléphones n'ont point souffert. Le plafond est intact, mais il supporte 1 m. 50 de braise et ton se demande avec anxiété s'il pourra résister ? 

Les communications télégraphiques et téléphoniques.

la question que tout le monde se pose est de savoir comment fonctionneront les services télégraphiques et téléphoniques de la ville.

M.Bustarrit, inspecteur du service électrique, vient conférer vers 3 heures et demie avec M. Janvier, place de la république.

Plusieurs conseillers municipaux, sont présents. Le maire de Rennes donne alors l'autorisation d'installer ces services dans la grande salle de la Bourse du Commerce ou, d'ailleurs les principaux appareils ont déjà été transportés.

D'autre part, M. Josse, inspecteur des postes, que nous avons vu, nous déclare que puisque le rez-de-chaussée ni même le premier étage n'ont souffert, une installation provisoire du service télégraphique y serait peut être établie, à moins toutefois que l'eau n'y pénètre et ne menace de détériorer les appareil. En tous cas, il semble bien que l'on utilisera la grande salle de la Bourse qui servirait à des travaux accessoires.

Si aucune complication ne survient, les services, ou qu'ils se tiennent, seront promptement rétablis et dès aujourd’hui les communications télégraphiques pourront sans doute fonctionner avec Paris.

Quant au téléphone, on n'en peut actuellement rien dire et son sort il dépend de la solidité du plafond du deuxième étape. Celui-ci pourra-t-il supporter 1 mètre 50 de braises ardentes ?

Il serait à souhaiter que cette perturbation ne se prolonge pas, car on se fait une idée des conséquences déplorables qu'elle va avoir, et du grand préjudice qu'elle peut causer à notre commerce local.

Ce n'est pas sans stupeur qu'en apprenant l'incendie d'hier nos concitoyens envisageaient la triste situation dans laquelle allait se trouver notre ville.

 

4

 

Chute grave d'un pompier.

La journée s'était passée sans accident important, malgré le mépris du danger témoigné par tous les sauveteurs, quand dans la soirée, nous avons ou à déplorer la chute grave d'un pompier, M. Tuloup, menuisier à la voirie. Il était 7 heures et demie du soir.

Celui-ci était occupé à noyer les décombres, lorsqu'il fit un faux pas et tomba. Le malheureux traversa les braises et le plafond du 3e étage et vint s'abattre au second étage.

M. le docteur Baderot, mandé aussitôt, lui prodigua les premiers soins et constata qu'il avait de nombreuses brûlures aux pieds et aux mains. Son état est assez grave. Il a été transporté l'Hôtel-Dieu ; le blessé est père de quatre enfants.

Les pertes et assurances 

Le Palais du Commerce est assuré pour une valeur do 1.350.000 francs (prix de l'assurance, 111 fr. 72). Il est loué partie à l'hôtel des postes (13.200 fr.), partie au Cercle militaire (4.000 fr.), partie enfin au café de la Paix 6.000francs). A 7 heures du soir, les pertes étaient encore difficiles à évaluer. M. Janvier, que nous avons interrogé à ce sujet, nous a ré pondu qu'il ne croyait pas exagérer en fixant le chiffre à 300.000 francs. 

Le feu dure toujours. 

Ce chiffre ne sera exact que si aucun nouveau dégât ne survint. Or, à l'heure où nous écrivons ces lignes, on se demande encore anxieusement si le fléau ne va pas s'étendre. Il est dix heures du soir les pompiers sont toujours sur les lieux; les pompes à vapeur continuent à fonctionner.

Par instant, des flammes jaillissent des poutres et des décombres de toutes sortes accumules sur les planchers, éclairant d'une lueur sinistre les hautes cheminées, qui dressent leur sombre silhouette. Le feu n'est pas maîtrisé.

Et l'achèvement du Palais du Commerce? La question qui se pose tout naturellement, c'est de savoir quelles conséquences aura ce désastre sur l’achèvement du monument ? En va t-il le hâter ou au contraire le retarder ? Il est difficile de le savoir pour le moment, cependant il semble que rien ne sera modifié et l'adjudication du pavillon central qui doit être annoncée dans une quinzaine de jours, aura lieu sans doute sous peu.

Hier matin. M Janvier avait reçu une lettre du sous-secrétaire d'Etat aux Postes qui lui demandait de hâter l'élaboration du cahier des charges.  

A propos des secours Nous aurions beaucoup à dire au sujet de l'organisation des secours. Les pompiers dirigés par leur dévoué chef, le capitaine Corvaisier, firent preuve d'une activité et d'un courage qui sont dignes des plus grands éloges. Malheureusement, ils étaient servis par un matériel déplorable.

Pompiers

La pompe à vapeur de la ville fonctionne avec une irrégularité déconcertante quant aux tuyaux, ils crevaient à chaque instant.

Et pour comble, il n'y avait pas de pression. Quand les premiers pompiers arrivèrent et voulurent circonscrire l'incendie qui ne s'était pas encore développé, ils dirigèrent des jets de lance sur les flammes, or ils ne portaient que deux ou trois mètres ! Une personne nous disait que sans cette circonstance malheureuse, l'incendie aurait été certainement arrêté dès le début.

La foudre rue Ange-Blaise La foudre qui a causé la véritable catastrophe que nous venons de relater, est également tombée sur un autre point de notre ville, dans la rue Ange-Blaise prolongée.

Au plus fort de l'orage vers 3 heures, elle a atteint une maison occupée par Mme Thébault, elle a occasionné quelques dégâts, mais n'a heureusement pas déterminé d'incendie.

à suivre ....

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